Nous avons eu le plaisir de nous entretenir avec Monique Lanne-Petit, directrice et cofondatrice de Télécoms Sans Frontières. Elle évoque ses débuts dans l'humanitaire, ce qui la motive encore aujourd'hui, les éléments clés de son parcours et son expérience de femme dans les crises humanitaires.
Appel à la communication : Pourquoi vous êtes-vous lancé dans l’humanitaire ?
Monique Lanne-Petit : Quand j'étais jeune, je demandais à mes parents d'aider des enfants à l'étranger. J'avais la chance de vivre ici en France, j'étais consciente de mes privilèges, même si je n'étais pas issue d'un milieu aisé. À la maison, la porte était toujours ouverte.
Je pense surtout que ce sont les rencontres qui m'ont permis d'entrer dans le monde humanitaire, plus précisément avec Jean-François, cofondateur de Télécoms Sans Frontières. Il ne suffisait plus de dire qu'on voulait aider, il fallait agir.
Il ne suffisait plus de dire que nous voulions aider, il fallait agir.
Nous avons pu mener à bien notre première mission lors de la première guerre du Golfe. Nous souhaitions intervenir auprès des réfugiés, constater la situation sur place et connaître les besoins réels de ces populations.
Nous avons également eu l'occasion de rencontrer nos partenaires actuels. Au fil du temps, nous avons créé Télécoms Sans Frontières, car nous avons senti qu'il était important de donner la parole à ces personnes, souvent isolées et ayant vécu des épreuves difficiles. C'est pourquoi je me suis engagé dans l'humanitaire.
Appel à la communication : Et qu’est-ce qui vous pousse à continuer aujourd’hui ?

Monique Lanne-Petit : Je pense qu’il existe un fossé énorme entre les populations les plus vulnérables et celles qui s’enrichissent, donc je crois que nous avons encore un rôle à jouer. Les collaborations sont utiles, travailler avec les populations locales est de plus en plus important.
Il y a aussi l'équipe mondiale : la TSF Notre équipe, mais aussi nos partenaires opérationnels et financiers, qui partagent notre engagement. Je pense donc que même si cela peut parfois paraître insignifiant, il est essentiel de poursuivre cet engagement.
Appel aux communications : Si vous deviez partager quelques moments forts de votre parcours ?
Monique Lanne-Petit : Je pense que je resterai toujours marquée par les premières missions en ex-Yougoslavie, à 24 ans. Les hommes étaient partis à la guerre, alors les femmes étaient mobilisées. Même si elles étaient aussi victimes de la guerre, il y avait cette mobilisation, cette solidarité.
Ces femmes étaient si reconnaissantes que nous sommes venues les soutenir, car elles sentaient qu'elles n'étaient plus seules. Elles se battaient tous les jours, sous les bombes. Nous avons pleuré ensemble, mais nous avons aussi ri ensemble et nous avons essayé de les aider.
Nous avons pleuré ensemble, mais nous avons aussi ri ensemble et nous avons essayé de les aider.
Je pense qu'une autre chose qui m'a frappée a été d'interagir avec les enfants après une catastrophe naturelle ou un conflit. Certains sont très joyeux malgré tout, la vie reprend son cours même en situation de combat. D'autres sont profondément brisés, alors comment leur redonner espoir ? Et même si nos actions ne suffisent pas, je pense que nous les aidons à retrouver l'espoir.
Avec TSF Nous avons permis à des profils techniques de trouver leur place dans le secteur humanitaire. Pouvoir apporter des informations aux populations en transit est essentiel et de plus en plus fréquent. C'est également gratifiant de sensibiliser nos partenaires du secteur des télécommunications. Ils connaissent très bien notre métier et sont vraiment prêts à nous aider.
Appel à la communication : Avez-vous ressenti, en tant que femme, au cours de votre carrière, une difficulté dans le travail humanitaire ?

Monique Lanne-Petit : Je pense qu'il faut toujours plus prouver ses compétences quand on est une femme, mais quand on a une équipe qui nous met en avant, c'est plus facile.
Il faut toujours prouver davantage ses compétences quand on est une femme.
En Irak, au Pakistan, nous avions parfois des obligations vestimentaires que les hommes n'ont pas forcément. Nous devions aussi faire attention à notre communication avec certains hommes, ou parfois passer par nos collaborateurs masculins pour faire passer un message. Nous avons donc envoyé des hommes pour cela, mais cela n'a jamais entravé mon travail sur le terrain. Évidemment, en tant que femme qui souhaite qu'il n'y ait aucune différence de traitement fondée sur le genre, c'est frustrant. Il faut que les choses changent.
Cela me gênait beaucoup, en tant qu'Occidentale, de me retrouver au milieu d'hommes lors de missions humanitaires, seule femme dans la pièce. Leurs épouses étaient à côté et, après, je pouvais les rejoindre, alors que mes collègues masculins n'étaient pas acceptés.
Appel à la communication : Est-ce quelque chose que vous considérez comme une force en tant que femme dans le travail humanitaire, de pouvoir atteindre les femmes bénéficiaires ?
Monique Lanne-Petit : Lors de certaines de nos opérations téléphoniques, les femmes passaient par les hommes pour passer des appels. S'il y avait une femme derrière le téléphone, c'était plus facile pour elles de venir. Il est plus facile pour une femme d'avoir des contacts avec d'autres femmes, quelle que soit leur culture.
Nous savons pertinemment que les équipes mixtes sont importantes, notamment pour pouvoir aborder les femmes et garantir qu'elles s'exprimeront sur leurs difficultés et leurs besoins. Ainsi, vous tenez compte de leurs besoins spécifiques et de leur contexte, et vous pouvez les inclure dans la réponse finale.
Les équipes mixtes sont importantes pour approcher les femmes afin qu'elles s'expriment sur leurs difficultés, leurs besoins.
Selon la culture, les femmes sont plus ou moins réticentes à parler aux hommes, d'où l'importance d'une analyse préalable, afin de disposer des codes permettant d'apporter une réponse. Travailler avec le personnel local est également essentiel à cet égard.
L'écoute, qualité encouragée chez les femmes, est également importante dans le travail humanitaire. Je pense que c'est une qualité à promouvoir.
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